Retour sur la 5ème conférence achats
Après une introduction centrée sur de possibles définitions de la maturité, illustrées par de nombreux exemples concrets vécus en entreprises, la première
table-ronde fût dédiée au partage d’une vision globale de la maturité des achats en Suisse.
Trois contributions complémentaires y ont été apportées par les intervenants.
Serge Sahli (CVCI) a, tout d’abord, insisté sur le rôle, relativement méconnu mais essentiel, des achats dans les performances à l’exportation: une première manière très concrète de mettre en évidence l’intérêt et les modalités pratiques possibles d’une montée en maturité des achats sur ce sujet si important pour les entreprises Suisses.
Alexandre Vukanovic (consultant indépendant) a abordé la maturité au travers de la relation et de l’intégration client/fournisseurs dans le secteur du luxe, témoignant notamment de la nécessaire cohérence des maturités dans les relations internes et avec les fournisseurs.
Enfin, Carole Rosen (Melioris) a proposé une analyse détaillée de la place de la fonction achats dans les organisations et de la montée en maturité des profils achats.
Des partages de cas pratiques
La deuxième table-ronde, organisée avec l’aide de notre partenaire SAP SE, a permis aux intervenants, issus de directions achats, de partager des exemples concrets de montée en maturité au sein d’organisations diverses.
Bertrand Sinéchal et Steve Von Burg (SAP SE) ont présenté leur vision de la montée en maturité achats des clients de SAP SE, tout en proposant un regard sur la montée en maturité des achats en interne, au sein de SAP SE.
Vincent Laplante, aujourd’hui consultant au sein de Ukatis, a ensuite présenté les pratiques mises en œuvre au sein de la fonction achats du groupe Richemont, dont il était le CPO jusqu’en août, pour accompagner les performances de ce dernier.
Sara Carmignani, Cheffe du Campus Durable, auquel les achats sont rattachés, de l’Université de Genève (Unige) a, quant à elle, pu proposer un exemple concret de montée en maturité des achats dans une structure publique, au fonctionnement spécifique.
Enfin, Sébastien Blandino (Global lead/ Category Director chez Johnson & Johnson à Zurich) a abordé la montée en maturité des achats comme étant un moteur du développement de la résilience de la supply chain ainsi qu’un moyen de maitriser l’inflation.
Des visions académiques prospectives
La troisième table-ronde, réunissant des académiques, avait pour objectif de partager des visions prospectives fondées sur des recherches et permettant d’anticiper les futures étapes de la montée en maturité des organisations.
Professeure à l’Université de Nantes, Gwenaëlle Oruezabala a focalisé son propos sur les achats responsables en tant que levier de montée en maturité des achats.
Raphaël Bellière, Directeur Général Adjoint en charge des achats au sein de MEOTEC et Professeur à l’Université Paris-Saclay, a insisté sur la digitalisation comme support de la montée en maturité des achats.
Enfin, Fabienne Fel, Professeure à l’ESCP Business School, a abordé la question clé des relocalisations et leur rôle dans la montée en maturité.
Des échanges et rebonds inspirants
A l’issue des trois tables-rondes, la mise en valeur des points clés par Fabrice Ménelot, Président de Crop & Co, ont permis de nourrir des échanges inspirants avec les participants, souvent prompts à partager leurs propres expériences et interrogations. Les nombreux moments d’échanges entre participants et intervenants, ménagés tout au long de la journée, ont permis de compléter de façon très constructive les présentations des intervenants.
Les synthèses de ces dernières seront, comme chaque année, réunies dans un Livre Blanc disponible dès début janvier.
Quelques idées clés à retenir
Au rang des idées clés figure sans doute l’importance de la notion de «juste maturité», c’est-à-dire une maturité répondant bien aux besoins de l’organisation.
Trop souvent en effet, la volonté de monter en maturité peut faire prendre le risque de déployer des pratiques peu cohérentes avec les véritables besoins de l’organisation. Le niveau de maturité des achats qu’il convient de viser n’est donc sans doute pas le plus élevé sur une échelle ou une matrice de maturité, mais celui qui sera
cohérent avec la maturité plus globale de l’entreprise, tout en étant éventuellement de nature à tirer ponctuellement cette maturité globale vers le haut.
De la même façon, il importe de rester lucide sur notre tendance naturelle à survaloriser le changement. La montée en maturité des achats, qui prend concrètement la forme de changements concernant les pratiques, la structure ou les compétences, s’inscrit bien dans cette tendance.
S’il existe des possibilités d’améliorer ce qui mérite de l’être, il existe toujours également des choses qui fonctionnent bien, qui sont menacées de disparition et qu’il importe alors de préserver (par exemple les moments si précieux d’échanges informels avant ou après une réunion lorsque l’on passe au travail à distance). Monter en maturité doit donc se faire en étant capable de préserver ce qui fonctionnait déjà très bien.
Si un point commun ressort bien des différentes contributions partagées, le rôle clé de la collaboration, en interne comme avec les fournisseurs, est sans doute celui-là. Au-delà des objectifs, des bonnes pratiques et des compétences qu’il importe de développer, pour mieux collaborer, la question des outils de pilotage des performances n’a pas été occultée. Elle s’avère en effet essentielle lorsqu’il s’agit de redéfinir les performances visées elles-mêmes, ainsi que les moyens d’y arriver.
Hugues Poissonnier
L’auteur est professeur à Grenoble Ecole de Management, où il enseigne le contrôle de gestion, la stratégie et les achats. Il est intervenant régulier pour procure.ch et l’auteur de nombreux articles de recherche et de vulgarisation.