Opinion: «Human after all»

Voilà près de cent jours que le confinement a bouleversé notre quotidien, pour nous faire vivre une expérience grandeur nature de vie professionnelle sans contact. Pour beaucoup, c’est une découverte et une remise en cause profonde. Pourtant, avant cela, la collaboration à distance nous était déjà familière: vis-à-vis de nos fournisseurs.

L’épisode que nous avons vécu a permis de pousser les curseurs très loin dans un contexte de grande bienveillance, de droit à l’erreur et de flexibilité. A l’heure du bilan de ces dernières semaines, voici donc une occasion d’enrichir nos pratiques.

L’expérience a d’abord prouvé que beaucoup de vaches sacrées ne l’étaient pas tant que cela. Ce qui était intouchable est devenu possible du jour au lendemain, les moyens affluant avec une sidérante réactivité. Nous avons en quelques semaines fait sauter des verrous qui auraient nécessité des années de réflexion et d’expérimentation avant de pouvoir être levés.

Cette désorganisation se révèle finalement un raccourci, une source de richesse inestimable. Comment ne pas penser à la fécondité d’un changement de fournisseur? Malgré les inévitables turbulences, c’est généralement un saut qualitatif, un espace de fraicheur et de créativité. Gardons précieusement la mémoire de ce que nous venons de vivre pour le rappeler à la première occasion.

Ensuite, comme dans le théâtre classique, le travail se conçoit aisément dans une unité de temps, de lieu et d’action. La déstructuration de ce cadre brouille les repères et génère des dissonances dont beaucoup ont souffert: fonctionnement erratique, surmenage, épuisement, angoisse, etc. Le management à distance nécessite de compenser ce flou par des limites précises et le partage d’une vision et d’une feuille de route claires.

Un autre fait notable est la diversité de ce que chacun a vécu. Certains ont connu l’arrêt brutal et l’inactivité quand d’autres étaient sur tous les fronts, en surrégime et sans limites. Ce déséquilibre est parfois sectoriel, mais aussi une question de tempérament. Les plus moteurs ont su profiter de l’opportunité pour pousser leurs projets et faire avancer leurs idées, laissant les frileux lever le pied avant de réaliser trop tard que le train était parti sans eux. Nos fournisseurs aussi ont chacun leur dynamique propre. A nous de raccrocher les wagons et de coordonner pour que l’ensemble joue en rythme!

Mais ce que ces derniers temps ont certainement mis en lumière de plus fondamental, c’est notre besoin profond de relations sociales. Travailler à distance s’est rapidement révélé trop factuel et trop intense sans un minimum de convivialité. Nos relations, tout professionnelles qu’elles soient, plongent leurs racines dans notre humanité.
La machine à café, le «off», les contacts informels vous manquent? C’est souvent là que se niche l’âme d’un collectif. Alors peut-être est-il temps de penser à humaniser nos relations fournisseurs ...