Marchés publics: «Je t’aime… moi non plus»
Souvent perçus comme étant un obstacle au bon sens commun, les marchés publics ont parfois la vie dure. Là où auparavant les affaires se réglaient avec une bonne poignée de main une fois les négociations terminées, de longues procédures couteuses et complexes aux issues allant trop souvent à l’opposé du bon sens sont devenues nécessaires.
Les pouvoirs adjudicateurs, d’une part, se voient contraints de prendre à leur charge le coût d’organisation des procédures, de consacrer un temps précieux à la réalisation des documents d’appel d’offres et se retrouvent parfois empêtrés, malgré les meilleurs efforts dans des procédures judiciaires complexes.
Les soumissionnaires, d’autre part, se voient quant à eux bien souvent coupés de leur accès direct aux acheteurs et ne peuvent plus prodiguer leurs conseils d’expert permettant de mieux cibler une acquisition. Ils doivent remplir des soumissions compliquées et se voient pénaliser s’ils ne possèdent pas le panel complet des certifications environnementales, de qualité ou de sécurité.
Une fois ce tableau dépeint, on peut décemment se poser la question du bien-fondé de tout ce tracas administratif affectant les deux parties.
Il convient alors de se rappeler que cette relative complexité administrative a pour origine des objectifs louables. En effet, la loi sur les marchés publics et les procédures qui en découlent visent (LMP Art. 2) une utilisation parcimonieuse des deniers publics, «la transparence des procédures d’adjudication», «l’égalité de traitement et la non-discrimination des soumissionnaires» et «une concurrence efficace et équitable entre les soumissionnaires, en particulier par des mesures contre les accords illicites affectant la concurrence et contre la corruption».
La concurrence à tout prix
Avant la récente révision de la loi sur les marchés publics (finalisée en 2019 et qui a depuis été progressivement adoptée par les cantons et la Confédération), le prix se devait d’être le critère prépondérant afin d’adjuger les marchés publics aux offres «économiquement les plus avantageuses».
L’un des buts principaux de la loi sur les marchés publics visant une dépense parcimonieuse des deniers publics était alors atteint puisque c’est bien souvent l’offre la moins chère qui remportait le marché. Mais à quel prix!?
Bien que ce n'ait pas été toujours le cas, cette mise en concurrence à tout prix avait parfois pour effet pervers une focalisation totale de la part de l’adjudicateur sur le coût d’un bien, d’un service ou d’un ouvrage de construction à l’instant «t» de son acquisition et ce, au risque d’ignorer l’impact de cette course au prix bas sur la qualité, ou même, paradoxalement sur le coût d’une acquisition tout au long de son cycle de vie.
Révision de la loi: le remède miracle?
Bien qu’il ait déjà été possible de prendre en compte d’autres critères que celui du prix, celui-ci devait rester le critère prépondérant. Les risques précités que comportent le fait d’accorder trop d’importance à ce seul critère étaient alors trop souvent réalisés.
La nouvelle loi ne laisse plus aucune ambiguïté puisqu’elle a notamment pour but «une utilisation des deniers publics qui soit économique et qui ait des effets économiques, écologiques et sociaux durables». Les pouvoirs adjudicateurs doivent donc à présent prendre en compte l’ensemble des effets d’une acquisition et ce, tout au long de son cycle de vie.
Il s’agit alors pour les adjudicateurs de définir les critères permettant de mesurer les impacts sociaux, environnementaux ou économiques en fonction du type de marché. Les soumissionnaires doivent quant à eux réfléchir au moyen de faire valoir au mieux leurs efforts en la matière.
La durabilité comme point central
Tous les inconvénients d’une procédure d’acquisition selon les marchés publics n’ont cependant pas disparu et ce, à juste titre puisqu’ils constituent un compromis nécessaire au maintien des garde-fous permettant de préserver les intérêts des adjudicateurs et des soumissionnaires.
Ainsi, bien que les procédures restent complexes pour toutes les parties prenantes, les pouvoirs adjudicateurs ont à présent les coudées franches pour mieux prendre en compte les efforts consentis par les soumissionnaires en matière de durabilité.
Prenons le cas d’un constructeur qui aurait développé une technologie permettant une économie sur la consommation d’énergie de son véhicule. Cette technologie est couteuse à développer et à appliquer et entraîne donc un surcoût à l’achat. Grâce à la nouvelle loi, il est tout à fait possible de prendre en compte l’économie d’énergie réalisée tout au long de la vie du véhicule et de la mettre en balance avec le surcoût à l’achat.
Cette prise en compte améliorée de la durabilité dans les achats encouragera, selon toute vraisemblance, les soumissionnaires à poursuivre et renforcer leurs efforts d’innovation en matière de durabilité.
En effet, là où auparavant ces efforts pouvaient paradoxalement leur être défavorables dans l’attribution d’un marché en raison des surcoûts qu’ils occasionnent, ils seront à présent récompensés si l’adjudicateur décide de les prendre en compte comme l’y encourage la nouvelle loi. Le bon sens est donc sauf.
Mise en application
Toutes ces théories sont enthousiasmantes, encore faut-il savoir les mettre en application. Cela n’est pas sans difficulté puisqu’il s’agit de réaliser un arbitrage entre la prise en compte de ces nombreux critères et une complexité raisonnable de la procédure.
C’est là que le «Spécialiste des marchés publics avec brevet fédéral» entre en jeu.
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Aurélien Gogniat
Aurélien est responsable du cours de spécialiste des marchés publics pour la Romandie. Il est également co-directeur et chef de projet au sein d’Hymexia, un bureau d’ingénieurs regroupant des spécialistes des véhicules. Il réalise notamment des appels d’offres de services et de fournitures pour des collectivités publiques suisses.