Le MPO: un outil de plus pour les supply managers

Le MPO: un outil de plus pour les supply managers

Francesca Sacco

Le management par objectifs (MPO) consiste à fixer des objectifs en cascade (top-down) à tous les niveaux de l’entreprise. Il s’oppose au management traditionnel «par tâches». Les explications de Mauro Scascighini, conseiller en ­formation de cadres depuis plus de 15 ans.

Mauro Scascighini précise que «La mise en œuvre du MPO passe par plusieurs étapes: l’entreprise commence par définir la notion de performance et ses indicateurs, puis les axes stratégiques, lesquels seront transformés en objectifs opérationnels». Les ressources humaines doivent être mobilisées; chaque employé établira ses propres objectifs et les validera avec son responsable hiérarchique. Il s’agira encore d’identifier les compétences nécessaires à la réalisation de chaque objectif, de définir des indicateurs de mesure et, surtout, de se donner les moyens de parvenir au succès en termes de temps et de budget.

Un véritable levier de motivation

Quels sont les avantages du MPO? «Tout d’abord, ce type de management permet au salarié de s’impliquer davantage dans son travail. En effet, ce n’est plus le manager qui définit des tâches pour les distribuer à son équipe; c’est le duo manager-salarié qui détermine les objectifs à atteindre et les moyens d’y parvenir. Le MPO représente donc un véritable levier de motivation. De plus, la qualité des relations avec son supérieur est améliorée puisque ce dernier devient un allié au lieu d’être un donneur d’ordres.» En conséquence, l’équipe devient actrice et responsable de son travail. Pour l’entreprise, l’utilité du MPO se situe dans la clarification des attentes, l’augmentation de la performance (autant individuelle que collective) et l’amélioration de la communication interne.

«Cependant, si l’on admet qu’il est nécessaire d’avoir des objectifs pour être performant, il faut s’assurer que ces buts soient réalistes, pas trop ambitieux et suffisamment stimulants.» Les objectifs quantitatifs sont généralement les plus faciles à formuler, car ils sont assez intelligibles; il s’agit par exemple d’une diminution des dépenses ou d’une augmentation du nombre de produits proposés. Chaque objectif doit être assorti de critères de mesure. Prenons par exemple l’augmentation de la qualité des produits commandés par le supply management: l’évaluera-t-on sur la base de la réduction des réclamations internes et externes, ou faut-il aller chercher les informations auprès des utilisateurs en introduisant des sondages? Il existe également des objectifs dits comportementaux, comme la prise d’initiatives, qui soulèvent la même question. Quels indicateurs permettront de conclure que les acheteurs ont atteint cet objectif comportemental? «Le point de départ devrait être la compréhension des situations dans lesquelles leur comportement indique qu’ils prennent ou ne prennent pas d’initiatives. Il convient évidemment de définir ce qu’est une initiative, puis de ­déterminer le nombre de bonnes initiatives que l’on attend de leur part, et, enfin, de les aider à développer des compétences utiles pour y parvenir.»


Mauro Scascighini: Titulaire d’un diplôme marketing et d’un MBA, Mauro Scascighini bénéficie d’une expérience de plus de 15 ans dans la formation et le conseil en formation en entreprise, principalement dans les RH. Il est ainsi intervenu auprès d’entreprises nationales et internationales. Il a également travaillé pendant des années en tant que conseiller en formation et animateur au Centre romand de promotion du management à Lausanne.


Pas devenir une fin en soi

Malheureusement, l’approche comporte aussi des limites. «Il arrive qu’il soit détourné de sa vocation initiale. Dans certaines grandes entreprises, il s’est déjà clairement transformé en bureaucratie par objectifs. Etayée par des formulaires plus ou moins complexes, la revue biannuelle ou annuelle des objectifs devient pour nombre de responsables et de collaborateurs une tâche administrative qui consiste à mettre des croix dans des formulaires avant de les envoyer aux ressources humaines. Le MPO est un outil qui facilite la réalisation d’un résultat, mais il n’est pas une finalité en soi. L’ériger en dogme freinerait naturellement la motivation des employés et donc leur performance.» Comment fixer des objectifs à un supply manager sans risquer de brider sa capacité à trouver des solutions créatives? Tel est le genre de questions auxquelles il s’agit de réfléchir en amont.

Certains commentaires de collaborateurs ayant expérimenté le MPO sont éloquents: «Les objectifs changent tout ­le temps, tout est prioritaire et urgent»; «chaque année, il faut fixer de nouveaux objectifs, je ne sais plus quoi trouver», «mon chef considère que même si mes résultats prouvent que j’ai atteint mes objectifs, ­il y a toujours une marge d’amélioration possible, c’est comme à l’école où la note maximale n’est jamais mise, même si on a fait tout juste». Ce genre de remarques trahissent une «déformation» du MPO, estime Mauro Sca­scighini. «Si l’on considère que le fondement du MPO s’articule principalement autour des axes: résultats, contribution, implication-motivation, alors on le considérera comme porteur de sens. Le sens devient le liant entre l’effort et le résultat.» A l’heure où les évolutions des marchés, de la technologie et de l’intelligence artificielle sont en accélération constante, le MPO peut être un frein à la réactivité et la flexibilité requise pour permettre aux entreprises de répondre à ces changements. Des évolutions au niveau de l’organisation des entreprises sont également d’actualité (par exemple: l’entreprise libérée, l’holacratie, des mécanismes de gouvernance par des méthodes agiles). Après plus de 65 ans d’existence, le MPO est encore présent sous diverses formes dans nombre d’entreprises. Son évolution ou sa disparition seront vraisemblablement couplées avec d’autres indicateurs de performance et de contrôle, ou à l’inverse en lien avec la disparition de certains indicateurs et pratiques de gestion de la performance et des résultats.

Francesca Sacco

Francesca Sacco

Typographe de premier métier, Francesca Sacco a commencé à travailler comme pigiste à l’âge de 16 ans et collabore depuis 1992 à une dizaine de titres, en Suisse et en France. Elle s’est spécialisée dans l’investigation et la vulgarisation scientifique après sa formation à l’ATS à Berne.