La maitrise de l’intelligence artificielle
Les rivalités entre puissances ne datent pas de hier. Qui ne se souvient de la «guerre froide 1.0», cette période de fortes tensions géopolitiques durant la seconde moitié du 20è siècle. Elle a opposé les États-Unis et le bloc de l’Ouest à l’URSS et le bloc de l’Est. L’histoire ne se répète pas, mais elle rime.
La «guerre froide 2.0» entre la Chine et les USA fait rage depuis plusieurs années. Au centre de cette lutte de pouvoir, la maîtrise de l’intelligence artificielle (IA). Alors que nous lui attribuons un pouvoir d’action phénoménal et qu’elle ait le potentiel de révolutionner notre mode de vie, nous aveugler et croire en son «pouvoir salvateur» c’est démultiplier nos vulnérabilités.
Rivalité systémique en cours
Les démocraties occidentales sont en train de perdre la compétition technologique mondiale, principalement au profit de la Chine qui a fait de l’IA une priorité nationale et s’est fixée pour objectif de devenir le leader mondial d’ici 2030. D’après l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute), son avance mondiale s’étend à 37 des 44 technologies (défense, espace, robotique, énergie, environnement, biotechnologie, IA, matériaux avancés et technologies quantiques) alors que les USA arrivent en 2è position dans la majorité des 44 technologies. Ils sont en tête dans les calculs à haute performance, l’informatique quantique et les vaccins.
Toutefois, l’issue de cette rivalité va dépendre du contrôle des ressources (dont minéraux, terres rares), des capacités d’adaptation aux impacts du dérèglement climatique et du pays qui contiendra le mieux les développements de l’autre (dont microprocesseurs, etc.) et déploiera l’IA le plus efficacement.
Déploiement dans les entreprises
D’après McKinsey (2022) 50 pourcents des entreprises ont adopté l’IA; 25 pourcents déclarent qu’au moins 5 pourcents de l’EBIT lui est attribuable; deux tiers d’entre elles s’attendent à augmenter leurs investissements dans l’IA. Certaines utilisent l’IA comme un outil puissant pour construire de meilleures organisations.
Globalement les entreprises utilisent l’IA pour automatiser les processus, analyser des données complexes et faire des prédictions. Elles accroissent ainsi leurs efficacités réduisant leurs coûts et améliorent ainsi leurs rentabilités, souvent au détriment des employés.
En effet, l’impact de l’IA sur l’emploi suscite de nombreuses inquiétudes (déplacements d’emplois, obsolescence des compétences, nouvelle concurrence, etc.) en particulier dans les secteurs qui dépendent fortement du travail manuel, mais pas seulement (cols blancs).
Toutefois, l’IA a aussi le potentiel de créer un large éventail de nouvelles industries et de nouveaux emplois, notamment dans la robotique (drones, voitures autonomes), dans la science et l’ingénierie des données, dans l’imagerie médicale, la découverte de médicaments, la médecine personnalisée, la fintech, les services à la clientèle ou les industries créatives.
Adoption de l’IA dans les achats
En matière d’approvisionnement l’adoption de l’IA s’est généralisée au fil du temps, transformant les opérations, optimisant la logistique, améliorant les processus de prise de décision et facilitant la gestion des risques fournisseurs.
Plusieurs outils intègrent l’IA, notamment des outils de gestion de risques (enablon.com, sphera.com etc.), des fournisseurs de données (ecovadis, supplierone, etc.) ou des solutions e-procurement et ERP (Oracle, Ivaluia, etc.). Mais aussi ceux pour la gestion des contrats (docusign.com), le sourcing stratégique (keelvar.com), l’analyse des dépenses d’approvisionnements (sievo.com) et la gestion des comptes fournisseurs (tealbook.com).
Cependant l’IA n’est ni une solution magique ni un nouveau membre de l’équipe capable de conduire un changement organisationnel ou un approvisionnement stratégique. Donc, conseils et supervision active d’experts seront toujours de mise. Pour l’instant.
Se préparer aux chocs extérieurs
L’engouement actuel autour de l’IA ne doit pas nous aveugler. Au contraire, il doit nous encourager à (re)réfléchir tant les tensions pour le contrôle des ressources (minéraux, terres rares) nécessaires à la double transition ne sont pas prêtes de s’estomper.
Comme le sont les investissements en R&D (espace, biologie synthétique, blockchain, neurosciences, etc.), l’accroissement des violences politiques et des inégalités (sociales, sanitaires, digitales, climatiques, économiques, etc.) et la fréquence et la sévérité des événements climatiques extrêmes.
Réfléchir à notre place en tant qu’être humain évoluant dans un univers sans cesse plus complexe, technologique et fragile mais surtout revenir à l’essentiel pour mieux naviguer dans une mer parsemée d’incertitudes, de confusions, d’érosion des règles de droit, de rivalités, d’une possible crise financière d’ici 2024 et surtout d’illusions de contrôle.
Back to basics
Afin d’affronter votre (éventuelle) peur de perdre le contrôle, débutez par répondre à ces quelques questions:
- Quels sont les enseignements de l’Origine des espèces, du Prince, de l’Art de la guerre et de L’histoire de la guerre du Péloponnèse?
- Quels sont vos besoins fondamentaux (individuels et collectifs) dans un contexte de raréfactions et de pénuries (eau, alimentation, énergie, talents, compétences, etc.)?
- Quelles sont vos vulnérabilités, ignorances, interdépendances systémiques
- et opportunités?
- Que contrôlez-vous et qu’est ce qui est hors de votre contrôle?
- Quelles sont vos conclusions? Et maintenant?
Demandons à ChatGPT
«Charles Darwin traite de l’évolution par la sélection naturelle, soulignant que les espèces évoluent au fil du temps en raison de la variation, de l’hérédité et de la différence de survie et de reproduction. Nicolas Machiavelli préconise une approche pragmatique de la politique, privilégiant l’aspect pratique aux considérations morales et affirmant que la fin justifie les moyens.
Sun Tzu met l’accent sur la réflexion stratégique, la compréhension de soi et de l’ennemi et le recours à la diplomatie pour éviter les conflits inutiles. Thucydide explore le rôle de la nature humaine dans les conflits, le pouvoir de la rhétorique et de la propagande, et la nature imprévisible de la guerre, en mettant l’accent sur l’adaptabilité et la flexibilité.»
Christopher H. Cordey
L’auteur est fondateur de futuratinow et de prosilience, membre du comité de Swissfuture, membre de la commission économique de l’ARCAM et responsable des événements procure pour la Romandie. Il est co-auteur de «Heidi réveille-toi! La Suisse est-elle tombée dans les pièges du succès?».