L’éthique, pas les sweatshops: le sens de la Compliance

L’éthique, pas les sweatshops: le sens de la Compliance

Regula Heinzelmann

La Corporate Compliance signifie pour les entreprises se conformer aux règles. Dans l’achat, divers domaines sont à considérer: la responsabilité produit, la corruption privée ou encore le choix de fournisseurs qui respectent en Suisse comme à l’étranger la justice sociale. A cette fin, la direction du service des achats doit développer des règles spécifiques.

La pièce «Sweatshop» représentée dernièrement au Schauspielhaus de Zurich traitait de la production et de la vente de vêtements dans le Tiers Monde. La question était abordée sous divers angles. Espérons que l’œuvre soit reprise un jour car on ne peut que la recommander aux acheteurs qui travaillent avec des fournisseurs internationaux.

A l’occasion de la représentation, l’«Accord on Fire and Building Safety in Bangladesch» était présenté. Il s’agit d’une convention de cinq ans passée spontanément entre les détaillants et les syndicats. Les entreprises s’engagent à faire contrôler leurs sous-traitants par des spécialistes indépendants et à veiller qu’on y applique bien les mesures de sécurité nécessaires.

Responsabilité et protection des données

Pour la Compliance ne comptent pas seulement les lois, mais aussi les directives que les entreprises suivent de leur plein gré, comme les normes ISO et autres certifications par exemple, ou encore la gestion de l’environnement et la protection des animaux. C’est en principe l’affaire de la direction de concevoir les directives de Compliance et d’en informer les collaborateurs. Des règles spécifiques peuvent être édictées par le service des achats. Il est important d’intégrer des dispositions de Compliance dans les conditions générales d’affaires et autres contrats passés avec les fournisseurs. S’il s’agit de produits revendus, la Loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits (LRFP) et celle sur la sécurité des produits (LSPro) considèrent comme fabricants les sociétés qui mettent leur nom, leur marque ou tout autre signe distinctif sur le produit ou qui représentent un fabricant étranger. Selon la LRFP, toute personne qui importe un produit dans l’intention de le vendre, de le louer ou de le distribuer sous quelque forme que ce soit peut être tenue pour responsable.

La protection des données doit aussi être respectée vis-à-vis des distributeurs. Dans l’UE, le Règlement général sur la protection des données est entré en vigueur et il faut en tenir compte pour les achats.

Bien choisir ses fournisseurs

Une certification fairtrade peut être un indice de pratique loyale, mais ce n’est pas le seul critère. Il faut aussi vérifier le certificat lui-même et l’organisation qui le délivre. La nouvelle norme ISO 45001:2018 «Systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail – Exigences et lignes directrices pour leur utilisation» constitue ici un bon exemple. Son but est d’introduire des procédures strictes et efficaces pour améliorer la sécurité au travail dans les chaînes d’approvisionnement globales.

La nouvelle loi sur le renseignement (LRens) et la Loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT) qui la complète, sont deux autres raisons de choisir avec soin ses fournisseurs et de contrôler leur légalité. Elles réglementent la surveillance de personnes soupçonnées de pouvoir commettre un jour un délit grave. Leurs dispositions vont loin; un contrôle du courrier électronique est, par exemple, possible. Des personnes ou des entreprises parfaitement intègres peuvent ainsi entrer dans le viseur de la surveillance étatique si elles ont été en contact avec des personnes suspectées.

Empêcher la corruption

La corruption de représentants des autorités et d’agents publics suisses ou étrangers est condamnée par le Code pénal (Art. 322ter à 322octies). Offrir à un employé des avantages autorisés par règlement de service ou ceux qui, de faible importance, sont conformes aux usages sociaux, est par contre admis par l’Art. 322octies CP.

Depuis 2015, la corruption de personnes privées ou l’acte de se laisser corrompre est un fait incriminable (Art. 322novies CP). Quiconque offre, promet ou octroie un avantage indu à un employé, un associé, un mandataire ou un autre auxiliaire d’autrui dans le secteur privé, en faveur de cette personne ou d’un tiers, pour l’exécution ou l’omission d’un acte en relation avec son activité professionnelle ou commerciale et qui est contraire à ses devoirs ou dépend de son pouvoir d’appréciation est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Il en va de même si les employés, associés ou mandataires d’une personne privée se laissent corrompre. Dans les cas de peu de gravité, l’infraction n’est poursuivie que sur plainte.

Une telle attitude peut être considérée d’ailleurs comme de la concurrence déloyale (Art. 4a LDA). L’Art. 322decies CP précise ce qui ne constitue pas un avantage indu, à savoir les avantages autorisés par le règlement de service ou convenus par contrat ou les avantages de faible importance qui sont conformes aux usages sociaux.


Directives pour la Compliance dans l’achat   

  • Les réglementations relatives aux signatures pour les commandes et autres procédures doivent prévoir deux signataires; il existe ainsi une instance de contrôle supplémentaire.
  • La facturation et la comptabilité ne devraient jamais être confiées à la même personne; il faut séparer les deux fonctions.
  • La protection des données doit être respectée en Suisse comme à l’étranger.
  • Les accords avec les fournisseurs sur la légalité et le commerce équitable s’insèrent bien dans les CG ou les contrats individuels.
  • Les fournisseurs (offres, listes de prix, pratiques légales et commerce équitable) doivent être contrôlés régulièrement par le chef de service et sporadiquement par la direction d’entreprise.
  • Le sérieux des fournisseurs et la légalité de leurs pratiques doivent être contrôlés par le chef de service, et régulièrement aussi par la direction de l’entreprise.
  • Pour les certifications, il faut évaluer également les organisations qui les délivrent.
  • Selon le droit des garanties, les produits livrés doivent être aussitôt contrôlés; la direction du service des achats doit procéder ici par prélèvements.
  • Une société assume la responsabilité de fabricant pour les produits revendus si ceux-ci portent son nom ou sa marque; ces marchandises doivent être particulièrement contrôlées.
  • C’est la tâche de la direction d’entreprise d’édicter des directives contre la corruption et d’autres règles de Compliance et d’en informer tous les collaborateurs.

     

Regula Heinzelmann

Regula Heinzelmann

Juriste, journaliste et écrivaine, spécialiste de questions d’économie et de droit, Regula Heinzelmann partage son temps entre Zurich et Berlin.