L’âme de la transformation digitale

L’âme de la transformation digitale

Bertrand Gabriel

La digitalisation des achats doit s’accompagner d’une démarche de conduite de changement pour faciliter l’appropriation des nouvelles solutions par les utilisateurs.

Face aux résistances multiples, la capacité des entreprises à gérer efficacement la conduite du changement constitue un facteur de succès essentiel de leur projet de digitalisation des achats. Une démarche spécifique s’impose pour mettre en œuvre et déployer la solution digitale cible dans les meilleures conditions.

Si une solution digitale adaptée permet le déploiement de bonnes pratiques aux achats, une démarche de conduite du changement est indispensable pour faciliter son appropriation, par les opérationnels internes (prescripteurs, utilisateurs finaux) et par les fournisseurs. Dans ce type de projet, moins de 20 pourcent des acteurs concernés sont généralement favorables au changement, certains étant même désireux de s’impliquer pour accélérer la transition. Parmi les 80 pourcent d’acteurs restants, dont la grande majorité préfère rester en retrait dans l’attente «de voir», 10 à 20 pourcent se positionnent comme opposants, avançant systématiquement des arguments contre le projet. Il convient également de prendre en compte la réticence de certains fournisseurs, de plus en plus amenés à collaborer en se connectant aux outils achats de leurs donneurs d’ordres.

Face à ces attitudes diverses, la capacité des entreprises à mener et réussir la conduite du changement constitue un facteur de succès essentiel du projet de transformation digitale. Il s’agit d’amener progressivement l’organisation à maturité sur les changements à mettre en œuvre, pour faciliter et accélérer l’adoption des nouvelles pratiques et de la solution cible, en atténuant les résistances des personnes dont l’activité est impactée par le projet.

Une démarche en trois étapes

Souvent perçue comme l’ultime étape, et réduite à la formation et à l’accompagnement des utilisateurs pour la prise en main de la nouvelle solution, la démarche de conduite du changement doit pour être fructueuse débuter dès la décision d’engagement du projet et porter surtout sur les aspects liés à l’organisation, à la stratégie, à la communication et aux individus. Dans l’idéal, elle doit commencer dès que la direction générale donne son aval et valide autant les objectifs que l’étude de rentabilité. Donc, si possible, en amont du choix de la solution et de sa mise en œuvre, en incluant toutes les dimensions impactées et en impliquant les collaborateurs a priori concernés. Pour être menée à bien, la conduite du changement suppose de suivre une méthodologie rigoureuse qui s’articule schématiquement en trois grandes étapes. 

  1. Diagnostic et étude d’impacts: Cette première étape, en deux temps, se concentre d’abord sur l’analyse de l’existant, la spécification des besoins, la définition des objectifs, la description des résultats attendus. Elle prépare aussi l’étape d’accompagnement, en identifiant les changements induits au niveau des ressources humaines (compétences, postes, comportements, mode de management etc.), de l’organisation et des processus. Enfin, elle doit aussi permettre de préciser les facteurs clés de succès et de définir un plan de gestion des risques qui évoluera tout au long du projet.
  2. Communication et formation: Jouant un rôle central et structurant, la communication doit permettre de répondre aux questions qui se posent ou pourraient se poser, de clarifier le périmètre et les objectifs du projet, et surtout de préciser concrètement ce qui va vraiment changer pour les collaborateurs concernés. Elle a pour but d’éviter toutes les mauvaises interprétations et de réduire les divergences de points de vue, tout en renforçant la cohésion et la mobilisation d’ensemble. S’ensuit la formation, à travers des dispositifs, des supports et des contenus pédagogiques variés.
  3. Accompagnement au changement: Lors de cette étape, la démarche doit distinguer les questions liées à la gestion des ressources humaines et les autres aspects. Sur le premier volet, l’objectif consiste à gérer les résistances en rassurant, écoutant, expliquant. Cet accompagnement doit également inclure la gestion des évolutions en termes de compétences, de postes, de rôles ou encore de missions. Sur les autres aspects, il s’agit d’aborder l’évolution vers les nouveaux processus, l’adaptation du management etc. et bien entendu la formation à la nouvelle solution digitale.

Une première phase d’information

Ces trois étapes sont généralement précédées d’une première phase d’information pour annoncer le lancement du projet et répondre aux questions générales que suscite tout chantier de transformation. Des ques-tions, notamment sur le sens et la nature du changement: pourquoi changer? Sur quoi va porter le changement? Pourquoi est-ce important pour l’entreprise? Quels nouveaux outils et pratiques va-t-il falloir adopter? Etc. Si le but de cette phase préliminaire est d’expliquer la finalité du projet et de rassurer les acteurs concernés, il s’agit aussi de mobiliser une communauté pour initier les débats de façon canalisée et engager la collaboration des parties prenantes du projet de manière solidaire. L’implication des futurs utilisateurs, le plus en amont possible et tout au long de la démarche, s’effectuera notamment à travers des «ateliers d’expérience» ou participatifs.

Il est fondamental que les différentes actions de conduite du changement aboutissent à la réalisation du projet et de ses objectifs, par un pilotage transverse mené à toutes les étapes de la démarche. Le premier niveau de pilotage consiste à s’assurer que les actions de conduite du changement prévues ont bien été réalisées en termes de contenu, de planning et de coût. 

Au deuxième niveau, il s’agit d’évaluer si le changement souhaité est bien en cours de progrès et de revoir en conséquence le plan de gestion des risques, initié lors de l’étape de diagnostic et d’étude d’impacts. 

Enfin, au terme du projet, il convient de vérifier que la démarche de conduite du changement a bien entraîné les résultats attendus, notamment pour identifier les écarts par rapport à la cible et prévoir les actions correctives à mettre en œuvre. 

Bertrand Gabriel

L’auteur est président et fondateur d’Acxias, une agence spécialisée dans l’optimisation des achats. Avant de fonder la société, en 2007, il a travaillé chez Toshiba, Eclatec, Altran et chez Usinor. De formation initiale Ingénieur Insa Mathématiques appliquées, titulaire d’un Master recherche en analyse des modèles stochastiques et théorie du contrôle, Bertrand a également un diplôme Executives Insead Blue Ocean Strategy.