Compte-rendu de la Conférence Achats 2019 à Lausanne

Compte-rendu de la Conférence Achats 2019 à Lausanne

Hugues Poissonnier

Plus de 70 acteurs des Achats étaient réunis à Lausanne le 26 septembre dernier pour participer à la 2e édition de la Conférence Achats procure.ch. Des intervenants de qualité aux profils très divers et complémentaires ont présenté leur vision des problématiques touchant les achats indirects.

Le 26 septembre dernier avait lieu à Lausanne la deuxième édition de la Conférence Achats, événement annuel centré cette année sur les achats indirects. Ces derniers, bien que faisant encore trop souvent l’objet d’une attention réduite, s’avèrent de plus en plus stratégiques, au point de constituer les nouveaux moteurs de transformation de la fonction achats.

C’est sans doute la conclusion principale des riches échanges entre un auditoire constitué de plus de 70 acheteurs, responsables achats et consultants et des intervenants issus de l’industrie, du secteur public et du monde académique.

Des sources de gains et de création de valeur

Grands contributeurs à la montée en maturité de la fonction achats en général et aux performances de l’organisation, les achats indirects nous ont rapidement semblés constituer un sujet pertinent pour la deuxième édition de la Conférence Achats Procure.ch. Les trois constats qui furent les nôtres au moment de ce choix ont été bien rappelés lors de l’introduction de la journée: 

  1. Les achats directs ont été les premiers à monter en maturité. C’est à travers eux que de nouvelles pratiques se sont diffusées dans les années récentes (sécurisation des approvisionnements; réduction des coûts pour maintenir, voire augmenter, la marge; contribution accrue à l’innovation, …).
  2. Aujourd’hui, on s’intéresse davantage aux achats indirects car de nombreuses sources de gain y ont été peu exploitées jusqu’ici (beaucoup d’organisations privilégiant la montée en maturité sur les achats directs).
  3. Sur certains aspects, les achats indirects progressent tellement, bénéficiant des expériences réalisées au préalable sur les achats directs, qu’ils en deviennent plus matures que les achats directs (ils sont, par exemple, naturellement centrés sur la création de valeur pour l’utilisateur).

Ce sont donc à la fois des sources de gains considérables et de création de valeur qu’il est possible d’actionner en utilisant les leviers propres aux achats indirects.

De nouvelles opportunités professionnelles

Dans la foulée, c’est Nicolas Kourim qui a proposé de porter sur les achats indirects l’œil avisé du recruteur qui est le sien. Le nouveau profil de compétence qui émerge aujourd’hui en vue de mettre en œuvre les nouvelles stratégies concernant les achats indirects favorise, aux dires du CEO de Big Fish, la capacité des acheteurs indirects à évoluer vers des postes en dehors des achats. Les opportunités professionnelles élargies offertes aux acheteurs indirects découlent directement de l’enrichissement des postes et de la transversalité croissante qui caractérise la fonction achats, en particulier dans les indirects. Management des achats, management de réseau ou de business unit, voire CEO, sont autant de perspectives de carrière qui s’offrent désormais à des acheteurs indirects dont les compétences techniques et managériales s’étoffent. Si les opportunités semblent alléchantes, il est important de rappeler qu’elles reposent forcément sur une démarche proactive des acheteurs.

De la pédagogie avec les clients internes

Centrant son propos sur l’évolution des relations internes entre les acheteurs indirects et leurs clients internes ou prescripteurs, Elodie Decreton, responsable des Achats Indirects chez Aldès, une société lyonnaise spécialisée dans le traitement de l’air, a largement confirmé les propos tenus par Nicolas Kourim. Elle a insisté sur les trois grands challenges actuels et à venir pour les acheteurs indirects: l’obtention de l’adhésion des clients internes, grâce notamment à un leadership et à des compétences techniques et managériales reconnues; la capacité à challenger les besoins des utilisateurs en interne, grâce notamment à l’analyse de la valeur et à des compétences de pédagogues; et enfin l’accompagnement des clients internes qui doit permettre de renforcer la capacité à relever les deux challenges précédemment cités.
Un niveau d’analyse plus collectif a ensuite été proposé par Nathalie Merminod, maître de conférence à Aix-Marseille Université et spécialiste des organisations achats. Elle a montré à quel point la montée en compétence des acheteurs ne saurait être réelle sans une montée en maturité des organisations. Cette dernière doit permettre de mettre les acheteurs dans les meilleures conditions pour assumer pleinement les nouvelles missions qui leur sont confiées et qui font d’eux de véritables intrapreneurs. Bien sûr, tout changement organisationnel reposant sur une évolution cohérente du management, ce lien très important a largement été abordé et débattu.

Sept étapes vers la performance

Au-delà de l’évolution des compétences individuelles, organisationnelles et interorganisationnelles, certains outils peuvent s’avérer précieux pour supporter les bons changements. C’est le sujet qu’a traité Fabrice Ménelot, président de Crop & Co, en répondant avec malice à la question suivante: pourquoi le digital va-t-il (enfin) permettre de s’occuper des achats indirects? Au-delà de l’apport des solutions digitales pour mieux piloter les achats indirects et en faire de vrais contributeurs à la performance de toute l’organisation, des changements très concrets à apporter au quotidien ont été présentés: réaliser une segmentation des achats indirects, cartographier les dépenses pour déployer des plans d’actions achats, se focaliser sur les enjeux majeurs, éliminer les tâches à faible valeur ajoutée, penser au client jusqu’à ambitionner de «lui rendre la vie joyeuse», déléguer et externaliser, et enfin communiquer sur les raisons et le sens des changements apportés. Autant de changements que les outils digitaux doivent permettre de mettre en œuvre.

Un levier de performance pour les achats publics également 

Enfin, Cyril Lopez, acheteur de la filière transport au GCS UniHA, a montré à quel point les achats indirects peuvent constituer un levier de performance pour l’achat public. Le raisonnement en coûts complets ou globaux, permettant de faire des choix et de prendre des décisions éclairées, respectant le cadre légal propre aux achats publics et contribuant à créer de la valeur pour les patients, constitue une piste particulièrement féconde pour réaliser la nécessaire montée en maturité des achats publics.

Finalement, les nombreux échanges engagés au terme des présentations ont découlé de la volonté affichée des intervenants d’apporter matière à réflexion, voire « poil à gratter », autant de solutions déjà explorées et mises en œuvre dans des contextes très différents. Au terme de la journée, trois idées étaient clairement partagées par tous les participants:

  1. Oui les achats indirects sont importants, et l’attention portée à ces derniers permet de contribuer à la création de valeur (sous différentes formes) autant qu’à la baisse des coûts;
  2. Des leviers existent pour optimiser les achats indirects, leviers dont la pertinence dépend bien sûr du contexte dans lequel on se trouve; 
  3. Pour actionner ces leviers, trois grands ingrédients sont utiles: l’appétence des acteurs (en particulier celle des acheteurs dont l’envie de changer est souvent, et c’est une bonne nouvelle, présente), les compétences (individuelles, organisationnelles et interorganisationnelles) et les outils (dont les outils digitaux). 

Hugues Poissonnier

Hugues Poissonnier

Hugues Poissonnier est professeur à Grenoble Ecole de Management, où il enseigne le contrôle de gestion, la stratégie et les achats. Il est l’auteur de nombreux articles de recherche et de vulgarisation.